jeudi 3 juin 2010

A A., les adultes buvaient le café dans des verres.
Passé le petit déjeuner et la merveilleuse confiture de figues, il n'y avait plus d'impatience à passer à table.
La salade était assaisonnée au viandox. Les rondelles de tomates jouxtaient invariablement les quartiers d'oeufs durs et les haricots verts.
C'était sans surprise et sans magie. Mais au dessert, on se gavait des melons du pays.

Quand nous ne partions pas en balade quelque part dans la région, que nous n'allions pas passer l'après-midi dans la ville rose, les heures passaient, je ne saurais plus dire comment.
C'était, une fois de plus, des occasions de prouver ma capacité à l'immobilité.
Les marches du perron procuraient une assise et le champ, en face, le seul spectacle possible.

J'ai vécu, là-bas, quelques expériences sans lendemain -faire des mots fléchés, goûter à un baba au rhum, à du saucisson en brioche- ou durablement ancrées -manger un pain aux raisins en ville, choisir un accessoire en vue de la rentrée proche, avoir le sommeil perturbé par les moustiques.

Aller au cimetière comptait parmi les immuables rites et c'était une manière agréable de faire passer quelques heures. On emportait des fleurs du jardin pour les déposer sur la tombe de celui que nous n'avions pas connu, nous longions l'autoroute en cours de réalisation et notre passage provoquait les aboiements des chiens du quartier.

Un jour, en rentrant, nous nous étions arrêtés chez le marchand de presse et, parce que le chanteur auquel elle nous avait tous convertis était en couverture, ma soeur obtint d'acheter un magazine.
C'est sûrement parce que je savais qu'on n'aurait plus jamais cette autorisation que je l'ai lu avec tant de fascination.
A la fin des vacances, j'aurais pu le réciter par coeur, ce numéro de Podium.