jeudi 27 mai 2010

nos nuits jumelles

Nous aurions l'illusion de dormir dans un décor de théâtre, où nous jouerions à dormir, chacun de son côté, chacun son drap et chacun sa lampe, nous aurions commencé par ouvrir les portes pour nous installer et nous mimerions la soirée idéale, parfaite, recommandée même, pour ceux qui vivent en couple, du tout bien ordonné, nous ne parlerions pas mais nous jetterions des coups d'œil complices, en nous félicitant pour ce choix, et tous les autres choix, celui des couleurs au mur, celui de l'emplacement du lit, celui de vivre ensemble, de s'endormir toujours ensemble et chaque soir de la même façon, dans la même pièce, en s'abandonnant au rituel de la chambre commune, avec nos affaires placées à portée de main, le réveil et la petite laine du matin, les pantoufles et le livre, nous serions calés dans nos oreillers, et il y aurait peut être, parfois, cependant, des questions, des agacements, des doutes, sur les couleurs au mur, sur le tic-tac du réveil, sur la position des lampes, sur la respiration de l'autre, ses manies, ses ronflements et son horrible petite laine boulochée au pied du lit, nous aurions des doutes sur la perfection, est-elle accomplie, est-elle souhaitable, de notre vie commune, mais le sommeil sera plus fort que nous, dans notre petite chambre douillette, quand la dernière lampe s'éteindra, et au matin suivant, en refermant les portes, nous aurons déjà hâte que revienne le soir et que s'ouvre une fois de plus, notre confortable chambre de poupées.