jeudi 30 septembre 2010

elle portait ce rouge à lèvre rouge-orangé, invariablement quand elle arrivait apprêtée, sac au bras, avec un collier en bakélite à grosses perles blanc cassé, ou des boucles-clip en fleur vert céladon, elle était bien différente de celle qu'on connaissait d'habitude, en tablier et même bottes de caoutchouc, cela semblait, même alors, même à ce petit âge qui était le mien, un peu exagéré, vaguement risible, sans compter que ce rouge-orangé-là faisait ressortir sa moustache, et son manque de féminité, et quand elle plaçait son expression, c'était la cerise, elle disait "partir en courses", elle se faisait emmener, car malgré la voiture dans le garage et son permis au chaud dans son portefeuille, elle ne touchait pas un volant, elle était déjà hors du temps, dépassée, ringarde, et on a beaucoup ri à ce propos.
Quand je regarde les bâtons de rouge dans les rayons, je recherche la couleur qui n'y est jamais, un mélange de brique et de corail, l'intensité d'un coquelicot, la douceur d'une nuance fanée mais vigoureuse. Et quand j'approche de la teinte, je la repousse finalement - trop peur de lui ressembler.